"Un réveil en fanfare"
Bonjour à tous,
Une fois de plus, il est très difficile ce matin de se concentrer sur la paracha de la semaine !
Je suis tellement bouleversé…
Je crois que l’expression française qui convient le mieux à ce que nous venons de vivre c’est « un réveil en fanfare ». Dans tous les sens du terme. Puisque c’est en allumant nos radios ou en ouvrant nos téléphones que nous avons appris les incidents qui ont émaillé le concert de l’orchestre philarmonique d’Israël hier soir à Paris.
Je crois parler au nom de tous les auditeurs si je dis que les sentiments que cela éveille en nous sont le dégoût et la colère.
Sur tous les plans, à tous les niveaux.
En tant que français, alors qu’on s’apprête à commémorer les dix ans des attentats de Paris, et du massacre du Bataclan : nous découvrons qu’il se trouve encore des gens en France pour considérer que perturber une manifestation culturelle aussi innocente qu’un concert de musique classique pour exprimer une protestation, quelle qu’elle soit, serait légitime, intelligent, et efficace.
Pour toutes les personnes attachées à l’art et à la culture, qui seront révoltées par cette profanation d’une représentation artistique portée par des dizaines de musiciens dont le métier (le sacerdoce !) est de travailler, répéter, interpréter, une œuvre intemporelle pour toucher l’âme de leurs auditeurs.
Et enfin pour toutes les personnes, juives ou non, attachées à l’Etat d’Israël, à son existence, au rayonnement de sa culture, de ses artistes, et qui souhaiteraient qu’on puisse les aider, parfois, à s’élever, se détacher, s’extirper de la violence, de la guerre, et de la politique, sans être tenus de se justifier, prendre position, ou, c’est le cas de le dire, être instrumentalisés pour un camp ou un autre.
A ce sujet, les justifications entendues selon lesquelles le chef d’orchestre aurait pris position « contre le massacre de civils à Gaza » sont pour le moins indécentes.
Ne l’aurait-il pas fait, s’il avait gardé le silence, les appels au boycott, à l’annulation du concert ou ses perturbations en auraient-ils été plus justifiés ?
Tout cela est grotesque, insensé, absurde, et révoltant.
Et qui dit révoltant, dit envie de protester et de se défendre en libérant toute la colère et la frustration contenue depuis deux ans (au moins !)… et céder à la violence.
C’est justement le piège dans lequel nos ennemis cherchent à nous faire tomber.
Se lever, invectiver, injurier, frapper, tabasser est le premier réflexe, le plus immédiat et instinctif pour les spectateurs présents, comme pour ceux, dont je fais partie, qui ont découvert les images ce matin.
Or transformer une salle de concert en ring de boxe, ou en lieu de bataille rangée, est-ce que ce serait rendre service à notre cause ? Certainement pas.
La chose à faire dans ces moments là est de suivre le conseil d’un sage nommé Ben Zoma, dans les pirké Avot : « eizéhou guibor ? » qui peut estimer qu’il est fort ? « hakovech et yitsro » celui qui domine ses pulsions.
Ainsi, l’attitude a adopter, celle qui nous honore, est celle adoptée par le chef d’orchestre et les musiciens : calme, flegme, dignité, patience, hauteur… et persévérance.
Attendre patiemment le retour au calme, et continuer à jouer.
Et ne pas jouer comme si rien ne s’était passé. Jouer encore mieux. Avec encore plus de ferveur, de foi, et d’expression.
Jouer de la musique, comme une forme de prière.
Une prière, pour que cette manifestation indigne ne soit qu’un épisode, une petite péripétie sans aucune importance.
Pour qu’elle ne soit ni un symbole, ni un signe.
Pour que ce concert ne ressemble pas, un jour, à l’orchestre du Titanic continuant à jouer malgré le naufrage pour éviter la panique des passagers.
Une prière pour que notre civilisation et notre culture ne coule pas devant cet orchestre impuissant, sabordée ou incendiée par des pyromanes irresponsables.
Chabbat chalom, et à la semaine prochaine !
Rabbin David TOUBOUL